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Archived: Dr. Mohamad Habash: Conflit sunnite-chiite – solutions révolutionnaires
Dr. Mohamad Habash: all4syria
traduction: Issam Chehadat
Le litige entre le monde sunnite et chiite ne se pose plus dans les domaines et institutions religieux, et n’est plus discuté dans des congrès et colloques fermés : c’est aujourd’hui devenu une déclaration présenté sur les canons des fusils, une vignette sur les missiles qui frappent, un tatouage sur la chair et le corps, un article premier pour la justification des résolutions du Conseil de Sécurité et les politiques des Grandes Puissances dans la région [du Moyen-Orient]. Il est ce qui porte l’image d’une rage historique mortelle, qui porte une image de désespoir et de mort et qui ne présage pas la fin de l’époque de folle de guerre ethnique.
Je ne connais dans l’histoire aucun homme ayant présenté un modèle pour résoudre le problème sunnite/chiite comme le calife abbasside An-Nasir li-Dîn Allah, et j’aimerais présenter cet homme à nos chers lecteurs, ce calife abbasside unique en son genre, lui que nous espérons voir naître de nouveau dans cet Orient misérable, ou au moins son projet dans un programme ambitieux pour mettre fin à la folie ethnique meurtrière.
Le calife abbasside An-Nasir li-Dîn Allah est arrivé au pouvoir à Bagdad après deux siècles de règne abbasside caractérisés par une grande tension entre sunnites et chiites qui avait commencé avec la fin de l’âge d’or abbasside au moment où les Bouyides prirent le contrôle du califat pendant cent ans. Ils s’agissaient de chiites abbassides et ils exercèrent une oppression systématique à l’égard des sunnites. Ces derniers souffrirent en Iraq et dans d’autres villes du califat, de marginalisation, d’incrimination et d’oppression durant presque cent longues années, mais les plans des Bouyides ne parvinrent pas à éradiquer les sunnites en faveur du projet chiite historique.
À peine les jours des Bouyides furent-ils finis que les Seldjoukides arrivaient au pouvoir sur fond de sunnisme intransigeant. Ils redonnèrent au monde sunnite sa valeur et, durant leur règne qui dura lui aussi environ un siècle, ils pratiquèrent à leur tour une oppression méthodique à l’égard des Chiites, jetant les bases des écoles juridiques sunnites tant au niveau de la juridiction que de la consultation juridique (fatwa) et considérant la doctrine chiite comme hérétique. Ils exercèrent à leur encontre marginalisation et oppression comme eux l’avaient pratiqué et leur ont fait boire au même calice. Mais eux aussi [les seldjoukides] échouèrent à éradiquer les Chiites comme le rêvaient leurs théoriciens et juristes fondamentalistes.
C’est ainsi que deux siècles passèrent durant lesquels les Sunnites et Chiites vécurent une froide guerre civile qui se développait de temps à autres pour devenir une vraie guerre brûlante jetant à terre les têtes et les esprits.
À la suite de cette période sanglante arriva au pouvoir le sage calife abbasside An-Nasir li-Dîn Allah. Le règne de son père avait vu l’effondrement de l’État seldjoukide, le retour des Bouyides au califat et la résignation du calife en sa faveur. Il [An-Nasir li-Dîn Allah] avait à faire face au même problème qui s’était embrasé depuis deux cents ans et qui ne cessait pas.
An-Nasir l’abbasside choisit une position qui a laissé ses adversaires dans une totale perplexité. Il annonça en effet dès les premiers jours qu’il bénirait les programmes des Chiites ainsi que leurs fêtes et commémorations et qu’il y assisterait avec eux. De même il annonça un ambitieux projet de construction du tombeau de l’imam Musa al-Kazim. Il y engagea les plus précieux biens et lui accorda une place unique dans la sainteté. Il annonça que le lieu était inviolable, que quiconque y entrerait y serait en sécurité et que nul calife ou dirigeant n’aurait de pouvoir sur le mausolée de l’imam Musa al-Kazim et que quiconque y entrerait y serait en sécurité !
En contrepartie, le calife entreprit la construction de nombreuses mosquées pour les hanbalites à Bagdad, et entreprit un ambitieux projet de restauration des deux lieux saints [à la Mecque], en plus des waqfs et des services aux alentours des lieux saints.
Ses amis comme ses adversaires restèrent perplexes quant à sa conduite. Nombre des Sunnites pensèrent qu’il s’était converti au chiisme, et beaucoup de Chiites pensèrent qu’il feignait en pratiquant la démagogie afin de s’attirer la masse chiite. Mais du plus grand nombre des deux groupes, il obtenu un respect sans précédant. Tous l’ont regardé comme un Commandeur pour les croyants et se sont investis dans son programme et ses plans. Il a vraiment bien réussi à gouverner pendant un demi-siècle, durant lequel, toute trace de l’infecte conflit ethnique qui avait imposé sa marque au califat durant environ deux cents ans disparu ou presque. Après le décès d’al-Nāṣir en l’an 1228, lui qui avait gouverné durant presque un demi-siècle, il est possible de dire que les trois siècles suivants ont vu un certain accord entre Sunnites et Chiites qui dura de manière ininterrompue jusqu’à la fondation de l’État Séfévides à Bagdad en 1500, qui ressuscita le différend ethnique de nouveau.
Ce n’est que le pur récit de l’histoire et peut-être que la réalité connaît une autre lecture, mais j’invite à rechercher cette scène dans les guerres irréfléchies d’aujourd’hui qu’attisent de puissantes politiques mondiales en vue du combat entre les Sunnites et les Chiites.
Cette expérience historique nous permettrait-elle de rêver, alors que nous imaginerions que Khamenei aurait appelé le roi Salman ou que le roi Salman aurait débuté son règne en prenant contact avec Khamenei et l’aurait invité à visiter les Lieux Sacrés lors d’un petit pèlerinage (ʿumra) de réconciliation et de concorde ? Là-bas, entre le Rukun et le Maqam, ou entre le Safa et Marwa, les deux hommes se serait tenue leur première rencontre pour fonder une entente civilisationnelle basée sur le respect des droits de tous et le travail en commun pour combler l’affreuse lacune qui sépare les deux écoles de pensée, et mettre fin aux projets ethniques fous qui inondent de sang un conflit qui ne cesse d’exploser et de se calmer depuis plus de cinq siècles.
On a le droit de rêver que les deux hommes se sont effectivement rencontrés à deux reprises, à Qom et à la Mecque, et qu’après une rencontre étendue aux dirigeants des pays islamiques, les deux parties se sont entendues sur les points suivants :
L’assurance de la liberté religieuse totale aux Chiites de la Péninsule arabe et aux Sunnites d’Iran et recevoir deux envoyés des deux parties pour suivre les affaires juridiques et cultuelles des deux rites.
L’ouverture de chaînes de télévisions contrôlées et rendant compte pour diffuser les merveilles du droit et de la sagesse des deux rites et expliquer les différences de vue au travers de programmes responsables.
Riyad et Téhéran recevraient mille prédicateurs et hommes de loi appartenant à l’autre rite, leur octroyant la dignité diplomatique dans le cadre d’un programme contrôlé par les deux parties ayant pour but de réaliser les aspirations scientifiques et spirituelles des ressortissants des deux ethnies dans un cadre d’un respect mutuel.
L’interdiction de tous programme médiatique ou social portant atteinte à l’une des deux ethnies, et demander que quiconque qui diffuse la discorde ethnique rende des comptes par le biais de tribunaux mixtes dirigés par les deux États.
L’interdiction de toute présence armée à l’intérieur de l’État Islamique et la transformation des milices armées en partis politiques combattant politiquement dans le cadre de la loi en cours dans tout le pays.
La fondation de comités de conseils et de réconciliation soutenus par d’énormes puissances de développement afin de garantir le développement et la création d’emplois dans les régions embrasées de Syrie, d’Irak, du Yémen et du Bahreïn.
La fondation d’une alliance militaire islamique pour combattre le terrorisme sous commandement commun sunnite/chiite.
Ce ne sont que des rêves, et certains commentateurs iront même à m’accuser de naïveté politique et de vulgariser les grandes questions. Ils exigeront peut-être de moi que j’arrête d’écrire au sujet de la politique et de la laisser aux spécialistes ; les professionnels de l’écriture pour commenter les complots et machinations locales et régionales, internationales et cosmiques !
Quelle que soit la valeur accordée à cet article, reste de mon point de vue qu’il pose le doigt exactement sur la plaie béante pour laquelle il ne se trouve aucune solution sans compromis et coordination au plus haut niveau qui passerait au-delà des solutions provisoires.
Des initiatives de ce genre sont les seules à pouvoir arrêter la guerre insensée en Syrie et en Irak, à mettre fin à la misère yéménite. C’est exactement ce que le calife abbasside An-Nasir li-Dîn Allah a réalisé, lui qui a réussi à garantir trois siècles de paix et de cohabitation.
C’est exactement ce qu’a fait l’Europe qui a vécu de longs siècles de misère et de guerres sanglantes entre les Huguenots et le Guises, dans leurs robes catholiques et protestantes. L’Europe fut jetée dans l’enfer de ce conflit sectaire qui a engendré la guerre de neuf mois, la guerre de trois ans, celle de 10 ans et celle de 30 ans puis celle de 100 ans… La liste est longue…
Ces guerres européennes, qui avaient leurs philosophes, leurs théoriciens, leurs commentateurs et leurs exégètes, n’ont cessé que lorsque les grands ont pris de courageuses initiatives qui ont sauté au-dessus des blessures de l’histoire, ont mis le passé là où il lui convient de rester et se sont résolument et puissamment mises à bâtir le futur avec un esprit de certitude et de discernement, grâce à quoi les sociétés européennes ont atteint l’ère de l’être humain, de l’État de droit et de citoyenneté qui a pu mettre fin à ce flux de sang insensé et permettre l’établissement de l’État moderne.
On raconte qu’aux États-Unis, un juge a été saisi d’une affaire de différend entre des membres de deux mosquées, Sunnites et Chiites, qui se sont disputés et en sont venus aux mains. Lorsqu’il a été saisi de l’affaire et qu’il a reçu les témoins, la partie chiite insistait à venger Ali et Hussein, ainsi que la moitié de la planète et à réaliser leur rêves roses tandis que l’autre partie, elle, insistait sur le fait que Muawiya n’avait rien fait d’injuste à Ali et que les Chiites ne s’intéressaient en réalité pas à Dieu… Il est apparu au juge que le conflit tout entier existait à cause de deux hommes, Ali et Muawiya, et il a donc ordonné qu’on lui présente les deux hommes pour entendre leur témoignage. Mais les assistants lui ont répondu : « Monsieur le Conseiller, il n’est pas possible de faire venir les deux recherchés du fait qu’ils sont morts depuis 1400 ans ». Lorsque le juge s’est assuré de cela, il a ordonné à ce que les deux parties soient emmenées dans un hôpital psychiatrique.